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PARSIFAL 767

la plus frappante. C'est pourquoi il écrivit Parsifal, Mais en choisissant un tel sujet, peut-être obéissait-il en même temps à une ruse de son génie. Tout artiste a dans sa carrière une grande épreuve à surmonter : c'est la disparition, qui se produit tôt ou tard, mais inévitable- ment, de sa sensualité ; la plupart du temps il ne réussit pas à y survivre ; tout ce qu'il crée ensuite naît flétri. Quelques uns seulement en réchappent, que l'élan de leur génie et la culture qu'ils n'ont cessé de faire de leurs vertus proprement intellectuelles emportent au- delà de ce passage dangereux. Ceux-là produisent sou- vent leurs chefs-d'œuvre en pleine vieillesse. Ce ne peut pourtant pas être sans prendre avec eux-mêmes certaines précautions, sans biaiser un peu avec leurs dons. — Sans doute Wagner conçut assez tôt l'idée d'un drame religieux. Mais qu'il y soit revenu dans ses dernières années de préférence à maints autres projets qui se pressaient dans son esprit, cela ne veut-il point dire qu'il y trouvait quelque chose de spécialement approprié aux dispositions créatrices où il se sentait alors ? Et en effet il semble bien qu'il ait reconnu — sans doute inconsciemment — dans Parsifal un sujet qui lui deman- dait aussi peu que possible de cette sensualité qu'il avait presque toute perdue, un ordre de séduction où il ne lui faudrait déployer que les grâces abstraites et épurées qui seules lui restaient. Je ne dis pas que l'œuvre trahisse le moins du monde la décrépitude. Mais justement sa force consiste en ce qu'elle a su ne la point trahir ; elle est tempérée de sagesse et de cette sorte de calcul, infiniment subtil et profond, qui est comme la fleur suprême du génie. Calcul perspicace dans l'occasion. Car n'est-il pas

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