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Page:NRF 11.djvu/968

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d’un goût maté partout ailleurs et à qui cette seule concession avait été faite par tolérance, tandis qu’une tache rouge sur la cravate était imperceptible comme une liberté qu’on n’ose prendre.

— Comment allez-vous, je vous présente mon neveu, le baron de Guermantes, me dit M™® de Villeparisis, pendant que l’inconnu, sans me regarder, grommelant un vague « charmé » qu’il fit suivre de : heue, heue, heue, pour donner à son amabilité quelque chose de forcé, et repliant le petit doigt, l’index et le pouce, me tendait le troisième doigt et l’annulaire que je serrai sous son gant de suède ; puis sans avoir levé les yeux sur moi, il se détourna vers M™^ de Villeparisis.

— Mon Dieu, est-ce que je perds la tête, dit celle-ci, en riant, voilà que je t’appelle le baron de Guermantes. Je vous présente le baron de Charlus. Après tout l’erreur n’est pas si grande, ajouta-t-elle, tu es bien un Guermantes, tout de même.

Cependant ma grand’mère sortait, nous fîmes route ensemble. L’oncle de Saint Loup ne m’honora non seulement pas d’une parole mais même d’un regard. S’il dévisageait les gens qu’il ne connaissait pas (et pendant cette courte promenade il lança deux ou trois fois son terrible et profond regard en coup de sonde sur des gens insignifiants et de la plus modeste extraction qui passaient), en revanche il ne regardait à aucun moment, si j’en jugeais par moi, les personnes qu’il connaissait, — comme un policier en mission secrète mais qui tient ses amis en dehors de sa surveillance professionnelle.

Quand M™® de Villeparisis en rentrant de sa promenade nous fit demander à la fin de la journée de venir prendre