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Page:NRF 12.djvu/145

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NOTES 139

dans VErmitage) la pièce d'Henri Ghéon était un des premiers appels vers un art qui serait une "exaltation du réel." Lyrisme de Faction, lyrisme de la forme. Un rythme indiscontinu emporte les scènes, commande le mouvement des mots et des répliques entrecroisées, les soulève dans une croissante ivresse. \JEau de Vie est entièrement écrite en vers irréguliers, soutenus de rimes et d'assonnances, groupés en strophes. Le spectateur a pu, distrait par la couleur et le mouvement du spectacle, ne pas percevoir ce délicat travail prosodique ; mais il y a été sensible sans le savoir. Ce frémissement, ce dialogue serré, dru, sans matière morte, tout nerfs et muscles, ce bondissement des répliques : tout cela n'appartient pas à la prose. Là où le dialo- gue est par trop coupé, cet effet musical est perdu pour l'oreille. N'en est-il pas de même avec l'alexandrin, chaque fois qu'il est brisé en courtes répliques ? Mais dans un cas comme dans l'autre, l'obscur travail de versification garde une raison d'être, puisqu'il ménage les transitions et permet aux morceaux plus amples et plus proprement lyriques de prendre sans à-coup leur essor. On ne saurait trop admirer le tact avec lequel les rythmes larges se dégagent d«s rythmes confus, et le lyrisme libre, du parler quotidien, pour s'y perdre à nouveau l'instant d'après. Dès que les vers peuvent s'éployer, leur martellement, leur balan est irrésistible. " Misère ! crie le père Fossard en désignant son fils infirme,

Et dire que ça a vécu

— Par quel abus !

Quand on a des mains qui ne peuvent pas prendre

Il n'est pas permis de les tendre I

Quand on a des jambes de laine

Comme ses bas.

On ne marche pas !

Quand on a de Veau dans les veines

En fait de sang.

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