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Page:NRF 12.djvu/153

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NOTES 147

l*être chargé de toutes ses expériences, et qui les concentre dans une parole actuelle. Il n'est besoin que de citer la scène des fiançailles héroïques, et celle, atroce et sublime, où le Curé Badilon conduit Sygne à vouloir de sa propre volonté le plus dur sacrifice ; de tout son effort, le vieux prêtre l'assure que nulle obligation ne la contraint, et que seul son propos délibéré va la mener à l'acceptation ; dès qu'elle s'en approche, il l'en détournerait presque, il l'aiderait à hésiter ; mais elle s'avance encore et ne résiste plus.

Comme dans la cathédrale française, la simplicité, la nudité de la construction s'allie à la surabondance du détail lyrique, au foisonnement des images. Le poète appelle à son aide toutes les similitudes que lui présente le monde et qui viendront ainsi fortifier le drame psychologique ; comme Antée, il trouve des forces nouvelles en foulant la vieille terre. Il faut insister sur le caractère sensible, sensuel, de l'image poétique chez Claudel ; le monde est pour lui un spectacle toujours nouveau dont il confronte les divers aspects. L'image est choisie voisine et prochaine ; elle est empruntée à l'ordre des saisons, à la culture de la terre, à tout un passé légendaire et traditionnel ; elle est visible, familière, et facile à situer dans son cadre naturel : de là cet accent français, champenois même que l'on reconnaît si nettement dans V Otage, comme dans V Annonce faite a Marie.

La représentation de V Œuvre tirait un intérêt particulier du fait que Paul Claudel avait à cette intention modifié le dénoue- ment de son drame. Il semble bien n'avoir pas été conduit par le souci d'augmenter la valeur purement scénique du dernier acte. Et l'on doit regarder le motif qui l'a décidé comme parfaitement noble. Nous n'avons plus entendu le Curé Badilon exhorter en vain Sygne au pardon, et se heurter sans cesse à ce mouvement nerveux qui la force de répondre : Non, à toutes les paroles du vieux prêtre. Scène troublante, dans laquelle il semblait que Sygne, ayant épuisé la coupe des douleurs, en eût conservé la soif, et l'impossibilité même

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