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184 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le foyer semblait tout proche ; je me suis habillé en hâte. A quelque cent mètres de l'hôtel, c'était une distillerie et un débit de boissons qui brûlaient. Le feu, quand je suis arrivé, battait son plein ; la foule s'empres- sait dans un désordre indicible, avec des vociférations, des hurlements que je ne sais s'ils devaient exprimer la terreur ou exciter à l'ouvrage ceux qui couraient portant de l'eau dans de misérables bidons de zinc à demi-crevés. D'autres maisons étaient proches, en bois pour la plupart, et le souvenir des derniers incendies de Stamboul hante encore les esprits... J'eus une demi-heure durant, un spectacle rare ; puis les pompes sont arrivées ; non point une ou deux, mais, presque à la fois, huit ou dix, répondant à l'appel des coups de feu, de tous les postes de la ville. Et, comme ici l'eau surabonde, l'incendie a vite été cir- conscrit puis maté. L'aurore paraissait quand je suis retourné dormir.

9 mai. En route pour Nicée.

J'aurais quitté Brousse avec moins de regrets il y a quelques jours ; cette petite ville est d'un charme, d'une beauté très mystérieusement captivante. Tout d'abord j'y recherchais trop mes souvenirs d'Algérie et je me désolais de n'y trouver ni musiques, ni vêtements blancs, et rien que de hideux visages... Mais comment oublier désormais cette promenade du soir, hier, à l'heure des muezzins, et prolongée jusque dans la nuit, par ces ruelles silencieuses, coupées de cimetières en jardin ; et cette vue enfin sur la ville entière, baignant, flottant dans une fumée bleue que perçaient les hauts minarets...

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