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sa dix-septième année ; c’est le moment où commence l’anecdote que j’ai à raconter. Elle avait donc ce bel âge de jeunesse qui est comme la porte dorée de la vie. Il est temps de dire ce qu’elle était et de la montrer entourée de sa cour, à savoir de son père maigre et jaune, de sa mère grosse et commune, de ses tantes sèches, effilées et bavardes, et de ses servantes qui ne valent pas l’honneur d’une description.

On s’attend sans doute à entendre un récit merveilleux de perfections inouïes, à contempler une jeune fille douée par les fées de tous les charmes de la beauté et de l’esprit… Nous allons voir !


II

Emmelina, cet ange, cette divinité, cet objet de tant de vœux, était, à dix-sept ans, une pauvre créature de la taille d’une fille de dix ans, et qu’un sang mauvais avait privée tout à la fois de croissance, de conformation régulière, de force et de santé. Sans être précisément bossue, elle avait la taille déjetée, et, en plus, sa jambe droite était moins longue que sa jambe gauche. Sa poitrine était comme enfoncée, et sa tête, penchée de côté par le vice de sa taille, s’inclinait aussi en avant. Avait-elle au moins un joli visage pour contrebalancer quelque peu d’aussi grands défauts ? Hélas ! non : sa bouche n’était pas bien faite ; ses lèvres trop grosses lui donnaient un air boudeur ; sa pâleur maladive ne lui seyait pas bien ; seulement ses grands yeux bleus étaient assez beaux et touchants, et sa chevelure, blonde comme celle d’une