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RIMBAUD 21

ments littéraires, même les moins perspicaces, ont un ton d'assurance un peu doctorale ; il écrit, parlant de Louisa Siefert (?) : " J'ai là une pièce très émue et fort belle : Marguerite. " Et l'ayant citée (hélas !), il ajoute : " C'est aussi beau que les plaintes d'Antigone àvuju^^r? dans Sophocle. " ^

Je le vois, au milieu de ses camarades, vêtu sans élégance, mais soigneusement, avec une veste confortable et un petit col blanc, — l'un de ceux qui portent au collège l'odeur de la maison. Il y a, malgré tout, en lui quelque chose de l'enfant sage. Dans une lettre à M. Izambard, Madame Rimbaud écrira: "Est-il possible de comprendre la sottise de cet enfant, lui si sage et si tranquille ordinairement ? " ^ On ne voit pas qu'il ait jamais été bruyant. Il était de ceux qui disparaissent avec un livre pour toute la journée et dont les parents se demandent tout à coup : " Mais où est-il donc ? " On pourrait presque dire qu'il était timide.

Même dans ses effiisions les plus orduriéres, je crois reconnaître l'enfant bien élevé qui dit des " gros mots " par insatisfaction. Sa crapule, si réelle, si profonde soit- elle, n'est que l'expression au dehors de sa hauteur et de sa distinction. Il est l'élève le plus mal embouché de tout le collège, mais c'est parce qu'il est le meilleur, le plus complet, le plus hardi, celui dont les sentiments ont le plus d'élan, de liberté, d'exigence. Derrière l'enfant courbé de colère et d'injure, il faut voir l'enfant droit,

^ Lettre à M. Izambard du 25 Août 1870, dans la Nowvelle Renjue Française du i" Janvier 191 2, pp. 26-27.

2 Lettre citée par M. Paterne Berrichon dans Jean- Arthur Rim- baud, le poète, p. 79.

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