au milieu de la solitude, ni avec la compagnie des imbéciles, et il n’était personne dans la maison de M. Irnois dont le contact pût permettre à Emmelina d’avoir de l’esprit. Puis, comme on ne lui avait rien appris, elle n’avait nulle matière à exercer son intelligence ; partant, sa conversation, si, par hasard, quelqu’un fût venu la solliciter, n’aurait eu rien que de très vulgaire.
Voici donc mon héroïne : contrefaite, point jolie de visage, sans esprit, et la plupart du temps silencieuse ; maladive, et trouvant son plus grand bien-être à se tenir couchée sur le sein maternel, comme un enfant de quatre ans. Il n’y a rien, dans une telle peinture, qui séduise beaucoup. Mais le portrait n’est pas achevé tout à fait, puisqu’il n’a rien été dit de cette disposition rêveuse qui faisait le désespoir de toute la maison Irnois, et qui non seulement formait le trait principal du caractère d’Emmelina, mais était même tout son caractère.
La pauvre fille, sans avoir ni la conscience ni le regret de ses imperfections physiques, était, comme tous les êtres mal conformés, vouée à une profonde et incurable tristesse, en apparence sans cause, mais que la réaction du physique sur le moral explique trop complètement. De cette tristesse irréfléchie, qui ne faisait que jeter un voile sombre sur l’existence de Mlle Irnois, il ne s’exhalait jamais aucune plainte ; mais, lorsque dix-sept ans étaient arrivés, et avec cet âge les développements mystérieux de l’être, tout l’essaim de pensées printanières qui ; à cette époque de la vie, s’élancent et accourent autour de l’âme était venu faire entendre des bourdonnements bien mélancoliques. Emmelina, jeune