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Page:NRF 12.djvu/286

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commença à satisfaire la curiosité trop surexcitée de sa famille.

— Au nom de tous les saints, s’écriaient les trois femmes, dites-nous ce qui vous est arrivé !

— Je suis un homme perdu, ruiné par d’affreux scélérats, s’écria M. Irnois ; voilà ce qui m’est arrivé, mille noms d’un… ! Ah ! mon Dieu ! dans quelle affreuse position je suis ! Vous ne savez pas ce qui se passe ? Eh bien donc, j’entre dans les Tuileries : une cohue, un bruit, une chaleur dont on ne se fait pas l’idée ! J’étais pressé de voir l’Empereur, pour savoir ce qu’il me voulait et m’en retourner. J’arrive dans un dernier salon ; on m’avait ôté ma lettre des mains, je ne sais qui, je ne sais comment ; j’étais ahuri ! Un grand homme, tout brodé, avec des épaulettes et un grand ruban rouge en travers, me pousse par l’épaule, car, ennuyé de tout ce fracas, je ne bougeais pas plus qu’un terme. Je ne voyais plus rien ! et je me trouve nez à nez avec l’Empereur !

— Avec l’Empereur ! répéta l’assistance, à l’exception d’Emmelina qui n’écoutait point.

— Silence donc, bavardes infernales que vous êtes ! s’écria M. Irnois, en donnant un grand coup de pied dans les bûches, violence qui fit tressaillir, puis soupirer sa fille. Silence donc ! Oui, l’Empereur ! Et il me dit, cet Empereur, en me montrant du doigt un homme placé derrière lui : « Préparez-vous à marier votre fille à M. le comte Cabarot ; je le fais ambassadeur ! » Ma foi, dans le premier moment, sans trop savoir ce que je disais, je m’écriai : « Donner Emmelina à ce… » Je n’allai pas plus loin, car l’Empereur me jeta un regard, oh ! quel regard ! Il me sembla que la terre s’enfonçait sous moi,