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RIMBAUD 23

s'échapper de ses mains sans l'avoir fléchi, faussé, blessé, sans l'avoir préparé par les mutilations nécessaires aux conditions de la vie terrestre ; il a oublié de lui ôter quelque chose dans l'âme. Rimbaud est venu entier, parfait, c'est-à-dire fait complètement, de tous les côtés, sur toutes les faces, — parfait, non pas dans l'ordre du bien, mais dans celui de l'être. L'ange l'emporte sur l'homme par autre chose que la pureté et la sagesse : il contient une dose plus forte de réalité, une plus grande quantité d'existence. A cet égard Rimbaud est un ange. Un ange furieux. Il n'a pas été touché, il porte intacte la ressemblance de Dieu, il conserve toute la dépense que Dieu a faite en lui. Quelque chose de débordant, encore que d'invisible, émane de tout son être. Il y a dans son apparition ce je ne sais quoi de flamboyant et de saturé qui décèle les personnes surnaturelles. Il est le messager terrible qui descend dans l'éclair, tout debout, l'exécuteur d'une parole inflexible, le porte-glaive.

Si l'on consent à reconnaître ici l'image véritable de Rimbaud, tout devient clair dans son attitude. Et d'abord son intolérance, l'impossibilité à " être au monde " dont il souffre. Car il n'est pas fait pour demeurer ici-bas ; il n'est pas au niveau de notre vie ; il n'est pas disposé pour ses questions, il ne les entend pas et celles qu'il pose n'ont pas de réponses en elles. — N'allons pas nous le repré- senter comme un incompris, que froisse la grossièreté d'ici-bas et qui rêve d'un paradis où sa délicatesse serait respectée ; mais au contraire il ne peut s'accoutumer à la bénignité de nos mœurs terrestres. Il ne s'en va pas de la poitrine ; il n'est pas au-dessous de la vie ; mais au

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