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Mme Irnois salua légèrement le comte et lui répondit :

— Vous êtes bien bon ; je ne désirais pas marier ma fille.

— Ah ! mon Dieu ! pourquoi, chère dame ? Elle a seize ans, elle doit avoir seize ans ; n’est-ce pas l’âge où le cœur commence à…

— Vous ignorez peut-être dans quel état de santé est notre Emmelina ?

— J’ai ouï dire, en effet, que vous aviez conçu quelques inquiétudes sur sa poitrine, continua Cabarot de l’air doucereux qui, pensait-il, lui réussissait si bien. Sans doute une croissance hâtive, le développement précoce de l’intelligence. Il ne faut pas trop vous inquiéter, chère et bonne dame ; vous ne devez pas douter du soin avec lequel je soignerai cette belle fleur ! »

Toute la famille regardait le comte d’un air effaré. Évidemment, il ne connaissait pas Emmelina ; il ne l’avait ni vue ni entretenue, et c’était la vérité : Cabarot avait bien su vaguement que de par le monde il existait un richard nommé Irnois, et que ce richard avait une fille, mais il s’en était tenu à ce renseignement, et il ne s’était nullement enquis du caractère, de la santé, de la beauté que pouvait avoir la femme dont il convoitait la dot.

Mais alors, comment Emmelina pouvait-elle être tombée amoureuse folle d’un homme qui parlait si aveuglément de sa croissance trop hâtive et du développement précoce de son intelligence ? Voilà ce que M. Irnois et les trois femmes se demandaient avidement des yeux.

— Monsieur, reprit Mme Irnois, vous n’êtes pas, je crois, bien informé de ce qui touche notre pauvre enfant. Elle est contrefaite, je dois vous le dire.