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Page:NRF 12.djvu/339

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NOTES 333

sent à des tâches au-dessus de leurs forces et peut-être étrangères à leur nature. On s'accorde généralement à reconnaître dans les milieux compétents que Topera le Rêve, par lequel M. Bruneau débuta dans la carrière musicale, nous apportait certaines nou- velles façons d'écrire et ce qui est mieux de sentir ; comme chez les Russes, le germe de certaines formes harmoniques qui ont fait fortune depuis, et même de cette "poésie" qui devait s'épanouir en M. Claude Debussy. Je ne dis pas que ces accords nouveaux donnaient toute satisfaction à l'oreille ; ils étaient rudes, sou- vent gauches, mais ils suffisaient déjà à créer la fine atmosphère où allaient respirer mieux à l'aise les personnages de Pelléas. — Tout autre, meilleur critique de soi-même ou bien utilisa- teur plus roué, se fût appliqué aussitôt à faire fructifier au mieux ce petit trésor personnel, soit en l'épurant peu à peu en des œuvres de proportions modestes, des lieds, des pièces d'or- chestre, des tableaux, soit en le monnayant en vulgaire billion, pour le plaisir de cette foule qui réclame de ses auteurs le ressasse- ment des mêmes joies. Massenet, qui était le plus adroit des hommes, ayant découvert le secret de plaire avec certaine inflexion de mélodie, voua à celle-ci tout son talent, que dis-je, toute son existence et se garda de jamais refuser à ses admirateurs la fameuse " phrase à la Massenet " attendue ; les plus vastes sujets lyriques ne furent pour lui qu'occasions d'en préparer la " rentrée ". Et on sait d'autre part comment M. Fauré jusqu'à ces derniers temps, avait protégé son talent exquis du danger des amplifications faciles par un intimisme obstiné. — M. Alfred Bruneau prit le parti intermédiaire ; ni il ne consentit à être un auteur rare, ni un auteur vulgaire : il renonça de quelque façon que ce fût à profiter de ce qu'il avait découvert. Il changea de terrain, il dressa des plans gigantesques ; il s'efforça vers un gonflement oratoire qui était proprement à l'opposé de son talent. V Ouragan, Messidor ne sont pas œuvres méprisables. Le Rêve, avec ses gaucheries, vaut mieux. A tout jamais sa carrière était faussée ; il était sorti de son naturel : il avait ren-

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