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��NOTES 343

��SEMMERING 1 9 1 2, de Peur Altenberg. (S. Fischer, Berlin.)

Un livre de Peter Altenberg n'est pas un livre. On songe involontairement quand on parcourt ces recettes de " Tart de vivre ", aux journaux de modes. Peter Altenberg entretient ses lectrices, au jour le jour, de ses nerfs, de son régime, de ses cravates. Ou plutôt il en a entretenu les hôtes du sanatorium d'hiver au Semmering. A iock) m. d'altitude ses soins se sont partagés entre les élégantes, les jeunes filles de quinze ans, quelques hommes aussi qui l'ont sacré l'arbitre du bon goût. Le gant de crin idéal, l'usage du tamar indien grillon, de l'eau froide et de l'eau chaude, la façon d'offrir du Champagne, des fleurs, et de les accepter, l'attitude à garder quand on est jolie et qu'on traverse les Alpes en chemin de fer en compagnie d'un poète viennois, les relations esthétiques entre les fourrures et le teint de la peau, entre la nuance du loden que l'on porte et le gris des roches ou des brumes, tout cela Peter Altenberg l'enseigne en brefs dialogues, par aphorismes. On lui a fait en Allemagne la réputation du plus raffiné des esthètes, de celui qui sait voir les valeurs précieuses, donner le ton sans pédanterie. A cinquante-trois ans il n'est pas hors de page. Il demeure l'enfant gâté, impertinent et câlin, qui raffole de la femme, des roses, des poses ; le gourmet de qui on apprend à savourer la vie, par petites gouttes, délicatement, sans danger.

Il jouerait en France un personnage difficile. Lres esquisses d'une page, de dix lignes, où il prétend faire tenir la vie en sa quintessence perdraient à la traduction tout leur charme subtil. En allemand elles se lisent. On les aime pour leur grâce puérile, pour cette légèreté qui repose de la métaphysique ordinaire. De la " Welt- und Lebensanschauung " qu'on n'évite ni dans le moindre roman, ni dans la plus petite réforme de couturière il reste ici tout juste de quoi amuser le lecteur qui retrouve, ingénieusement cachées dans la trame, des idées chères à Nietsche.

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