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NOTES 1093

l'un n'ofirant que des valeurs monotones et pauvres et l'autre une matière verbale dense et variée (malgré la suite se peut que qui est une négligence) .

Il me reste, après avoir formulé brièvement ces réserves, à proclamer que je tiens Prikaz pour un fort beau poème, et le seul où, pour ma part, j'aie cru voir apparaître, par instants, le visage émouvant de l'Epopée moderne.

��L'élasticité des poèmes de M. Biaise Cendrars me parait hors de conteste. Il est même équitable de constater que ces poèmes sont les plus élastiques et les plus extensibles de tous les poèmes en forme de vide-poche, où l'auteur jette pêle-mêle des lignes de journal, des enseignes de bistro, des vers d'almanach, de vieux feuillets de son calepin, et les mégots de la conversation. M. Biaise Cendrars a coutume de porter dans ces exercices une franchise et une liberté d'allure sympathiques, et quelque chose de viril qui manque aux jeux de certains esthètes. Il a raison de protester contre le décri systématique des poèmes « de circonstance ». Il appartient au poète de porter tout sujet qu'on lui propose à la hauteur de son génie, s'il en a. Un peintre qui refuserait la tâche de faire un portrait, comme indigne de son talent, serait fort ridicule. M. Cendrars est le seul poète qui ait su quelquefois réussir un Erzatz du cubisme plastique. Nul, pas même Apollinaire, ne fut davantage démarqué. Dans une « notule d'histoire littéraire » l'auteur des Poèmes élas- tiques rappelle avec une discrète amertume que « les aînés, les écrivains classés et la soi-disant avant-garde refusèrent sa collaboration». J'admire surtout qu'elle soit acceptée sans nulle gêne aujourd'hui par ses imitateurs directs. Il est vrai que le voisinage si dangereux d'un vrai poète n'est guère redouté des mauvais, car ceux-ci sont les derniers à s'aviser de leur infirmité.

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