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Il6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

déjeuner, ceux qui restaient étaient peu nombreux et pour la plus grande part, des gens élégants. Tout d'un coup, sur le sable de l'allée, tardive, alentie et luxuriante conune la plus belle fleur et qui ne s'ouvrirait qu'à midi, Mme Swann apparaissait, épanouissant autour d'elle une toilette toujours différente mais que je me rappelle sur- tout mauve ; puis elle hissait et déployait sur im long pédoncule, au moment de sa plus complète irradiation, le pavillon de soie d'une large ombrelle de la même nuance que l'effeuillaison des pétales de sa robe.

Mme Swann se tournait vers moi : « Alors, me disait- elle, c'est fini ? Vous ne viendrez plus jamais voir Gil- berte ? Je suis contente d'être exceptée et que vous ne me « dropiez » pas tout à fait. J'aime vous voir, mais j'aimais aussi l'influence que vous aviez sur ma fille. Je crois qu'elle le regrette beaucoup aussi. Enfin, je ne veux pas vous tyranniser parce que vous n'auriez qu'à ne plus vouloir me voir non plus ! » « Odette, Sagan qui vous dit bonjour », faisait remarquer Swann à sa femme. Et, en effet le prince faisant comme dans ime apothéose de théâtre, de cirque, ou dans im tableau ancien, faire front à son cheval, adressait à Odette un grand salut théâtral et comme allégorique où s'amplifiait toute la chevaleresque courtoisie du grand seigneur inclinant son respect devant la Fenune, fût-elle incar- née en une femme que sa mère ou sa sœur ne pourraient pas fréquenter. D'ailleurs à tout moment, reconnue au fond de la transparence hquide et du vernis lumineux de l'ombre que versait sur elle son ombrelle, Mme Swann était saluée par les derniers cavaliers attar-

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