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��REFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE

ROMANS PENDANT LA GUERRE

A l'époque d'Agadir je crois, Charles Péguy mettait l'un de ses cahiers sous l'invocation de Saint Louis de Gonzague en souvenir d'un mot qui lui est attribué. Il jouait à la balle dans une cour de séminaire et quelqu'un demanda : « Si nous apprenions que c'est maintenant le jugement dernier, que ferions-nous ? — Moi, dit Louis de Gonzague, je continuerais à jouer à la balle. >> En ce temps-là, chacun se demandait : « Et si c'était la guerre ? » Et Péguy répondait : «Moi, si c'était la guerre, je continuerais à faire les Cahiers. » Evidemment Péguy, en ce qui le concernait, n'était pas prophète; quand il y eut la guerre, le lieutenant Péguy quitta les Cahiers, et se fit bravement tuer. C'est qu'aucune imagi- nation humaine ne peut égaler cette œuvre de la nature, la courbe d'une destinée vivante. Le Saint Louis de Péguy m'évoque le sort d'un journaliste sportif qui, avant 19 14, avait appelé la guerre « une pâle image du rugby >>. Il fut blessé au genou dans l'une des premières batailles, soigné dans un hôpital par un médecin qui adapta à sa blessure un drain parti- culièrement ingénieux. Trop ingénieux, car ce major, soucieux d'en obtenir la gloire et le galon, découvrait devant tout venant et particulièrement devant les huiles le malade et l'appareil auxquels il avait donné tous ses soins : le sports-

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