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NOTE SUR M. DESCARTES l8l

a point dans la houlette et la houe. Il sait, il ne veut pas savoir, il se ment, (il le sait), il ne veut pas savoir qu'il y a dans la plume un venin, un mystère, une réprobation, un épuisement qu'il n'y a point dans la charrue et la herse. Comme ses ancêtres il voudrait être le roi, et comme ses ancêtres un roi absolu. Comme ils commandaient à leur tête et aux individus nommés muscles, ainsi il voudrait commander au cerveau et aux individus nommés nerfs. Il y trouve la différence. Comme ils se battaient contre le tour de reins lui il se bat contre son foie. Il y trouve la différence. Il est le premier de sa race qui est forcé de filer doux. Il est le premier de sa race à qui la car- casse n'obéit pas. Il est le premier de sa race qui est vaincu.

Le Juif est vaincu depuis septante et nonante siècles : là est son éternelle force. Et là aussi sa victoire étemelle. Le Juif est malheureux depuis Eve et depuis Adam et par l'expulsion il a figuré la dispersion : là est son éter- nelle patience et comme une sorte de bonheur. Le Juif est forcé de filer doux dans les siècles et dans les siècles : de là le raidissement éternel de leurs nuques. Quand donc ils s'en vont tous les deux le Juif essaie de calmer le chrétien, de remontrer tout cela au chrétien, que c'est encore très bien ainsi, qu'il faudrait pourtant s'y habituer. (Et le Juif dit cela au chrétien, mais il sait très bien qu'il parle, en ceci, au chrétien une langue étrangère et que le chrétien ne l'entend même pas.) (Mais il continue tout de même, parce qu'il faut bien, parce que c'est aussi bien ainsi, de parler, de dire cela, de parler ainsi.) Le chrétien regarde les jours où il va bien : il n'y en a pas. Il regarde les jours où il travaille : quel mince réseau.

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