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��NUIT A CHATEAUROUX

��De Melun je filai sur Provins. Dans le périmètre du Grand Quartier Général, il n'y a pas de troupes ni de convois étrangers. Les routes qui partent en éventail de Foch ou de Pétain, sont pures, pendant quarante kilo- mètres, de toute autre race que la française, et Provins était ainsi au centre de la seule de nos provinces recon- naissables. Tout un après-midi je fus dans une guerre sou- dain française. Quel repos ! J'étais un interprète qui revient dans son vrai pays. J'étais un interprète dont l'amie étrangère parle soudain la langue. Je n'avais plus à pré- parer en moi, d'une traînée lointaine de poussière, d'une foule encore indistincte, la traduction qui m'en donnerait au passage une automobile américaine, un bataillon por- tugais. Pour la première fois tous les saints que je recevais étaient les mêmes que les miens. Au lieu des corps opaques en Europe — Siamois, Indous, — qui me renvoyaient rudement mes regards, des artilleurs français, la capote en tr 'ouverte, des fantassins, sous un sac dont je connais- sais les moindres objets, l'épaisseur des moindres vête- ments, tous ces gens pour moi transparents, et à travers les- quels — l'auto allait vite — je pouvais au besoin suivre le paysage. Je ne voyais plus le visage composite de la guerre, mais ses traits nets et simples, et elle ressemblait à la paix.

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