Page:NRF 13.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

236 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de grandes herbes, même l'hiver ; cette voix d'enfant, du même enfant ; et cette auto, et pourtant alors il n'était pas d'autos; et ce ronflement d'avion en retard; et tous ces bruits du soir résonnaient en moi plus encore, me faisaient mal, puisque j'avais grandi, grossi, puisque j'étais plus près d'eux d'un centimètre, j'étouffais dans cette gaine trop étroite ; et jusqu'au pas, jusqu'aux murmures des balayeurs soudanais dans l'escalier étaient pour moi un souvenir aigu, tant le son de cette ville était resté le même.

On frappa. La porte était un simple battant sans serrure. Par en haut, nous apercevions les cheveux, par en bas les pieds des passants. — Voici le docteur, voici l'économe, disait mon voisin en voyant les souhers. Il reconnaissait aussi les nations. Parfois ces pieds étaient de face, c'est qu'on allait entrer. Seule l'infirmière qui apportait le dîner entrait à reculons, à cause du plateau, appuyant du dos contre la porte.

— Voici un Américain, dit mon voisin.

Un Américain en effet venait à mon ht. Comme on découvre parfois, en Amérique, au fond d'ime coque étrange, une châtaigne semblable aux nôtres, au fond du mot qu'il prononça, je reconnus mon nom, et il me tendit une lettre :

— Je vois votre nom sur la feuille d'entrée, disait la lettre. Etes-vous l'ancien élève de la pension Kisshng, à Mxmich? Je suis Pavel Dolgorouki.

Pavel Dolgorouki ! Mon meilleur ami pendant mes années de Munich. Nous nous étions rencontrés à la gare même, nous heurtant de face, venus l'un vers l'autre de Moscou et de Paris sur le même axe étroit... Sa

��1

�� �