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Page:NRF 13.djvu/261

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NUIT A CHATEAUROUX 253

contre le sommeil ; je m'endormis ; une minute, comme si la téléphoniste s'était trompée, j'eus à parler avec un enfant situé juste aux Antipodes, dont le bras s'allongeait vers moi, s'allongeait, un peu coudé pour épouser la courbe de la terre ; puis, cette fois la téléphoniste s'était trompée de plusieurs chiffres, avec moi-même général entrant dans Munich ; sans qu'il y eût aucun étendard autour de moi, j'avais le visage martelé sans répit comme quand j 'étais soldat près du porte-drapeau et que le vent me poussait dans les joues les franges de métal ; vingt filles munichoises, leurs coques sur les oreilles, inclinaient jusqu'à terre leurs têtes pâles, pâles, et comme elles restaient courbées une minute les relevaient rouges, rouges... Mais jamais ami ne fut réveillé plus doucement ; l'en- voyé de Pavel était maintenant une infirmière ; de sa main elle ouvrit elle-même mes yeux, jamais téléphoniste ne redonna plus tendrement un fil. Digne de Jackson-Ci ty, sa patrie, seule ville du monde où la place publique soit entourée de sept temples pour les sept modes d'amitié. Miss Daniels s'amusa de notre aventure et s'y engagea comme esclave ; elle promit de nous empêcher de dormir; par des tisanes, par du rhum nous drogua comme des coureurs, et prit sur elle, voyant ma soif, d'ouvrir une bouteille de Champagne. Le bouchon sauta, et réveillé par ce bruit qui, dans les hôpitaux, annonce une mort pro- chaine, derrière le paravent mon voisin se retourna soudain comme un dormeur derrière le bouclier de tranchée sur lequel une balle ricoche. . . Mais toute femme, mais une Américaine même, est trop faible pour maintenir à leur distance deux âmes d'hommes qui s'appellent et s'évitent. Miss Daniels me regarda, et en se penchant, pour tout rapporter

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