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NUIT A CHATEAUROUX 273

mon enfance qui depuis avez changé de sexe, « espoir » que je retrouve « attente », « enthousiasme » que je retrouve « indulgence »... Mais voici le lycée qui me rappelle les trois ou quatre qui n'ont point encore varié : le travail, qui est toujours le travail, qui toujours consiste à voir, au-dessous du papier blanc, filigrane adoré, un palais, un phénix ; l'inspiration, qui est toujours l'inspira- tion, qui consiste à vivre par bonds, affectueux cinq minutes, cinq minutes haineux, comme si le jour et la nuit, au lieu de se suivre, toutes les cinq minutes alternaient ; l'amitié, qui est toujours, dans un grand pré où elle dort, s'asseoir à la tête de celle que l'on aime, se pencher, voir son visage à rebours; la nostalgie enfin, qui est toujours cette douce... cette amère... Mais déjà à cette époque je n'en pouvais dire plus sur elle!...

Voici le lycée. L'avenue qui de la gare y conduit, descend, descend, et les enfants en fleurs, du faite de leurs dix années heureuses, croyaient déjà redescendre la pente de la vie. Voici le seul logis où les lois de la pesanteur et des fluides sont fausses, où il fallait le jour tous les poètes, tous les savants, le soir toute la nuit pour équilibrer un cœur bien petit et bien vide. Voici la maison où j'ai reçu le monde tout neuf, et les mappemondes seules étaient vieilles, où j'avais un âge qui pour nulle gloire n'était périmé, que tous les grands hommes avaient été forcés d'avoir, (12 ans, 13 ans, 15 ans), avant leur premier geste grand ; que je portais avec retenue et fierté comme du génie la virginité même, ou comme un de ses attributs ; et enfin hélas vint l'année où j'eus l'âge de Viala, puis de Bara, puis d'Alexandre ; et la triste vie put commencer. Voici la citadelle qui, du jour où je l'ai quittée, est devenue

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