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Page:NRF 13.djvu/291

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JOURNAL SANS DATES 283

Je dis tout cela, mais, à mesure que je l'écris, j'en suis moins convaincu ; car enfin si Mirbeau n'est pas Molière, il ne tenait qu'à lui de ne pas tant nous le montrer. — Tout ce que l'on peut dire, sans doute, c'est que le grand homme est celui dont les qualités sont le mieux favorisées par son époque, et qu'il y a entre elle et lui, comme une sorte de complicité. Ainsi Verlaine au xvii^ siècle n'aurait peut-être rien valu.

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Dans ces vers de Baudelaire :

Là, tout n'est qu'ordre et beauté Luxe, calme et volupté.

où le lecteur inattentif ne reconnaît qu'une cascade de mots, je vois la parfaite définition de l'œuvre d'art. Je saisis à part chacun de ces mots, j'admire ensuite la guirlande qu'ils forment et l'effet de leur conjuration ; car aucun d'eux n'est inutile et chacun d'eux est exacte- ment à sa place. Volontiers je les prendrais pour titres des successifs chapitres d'un traité d'esthétique :

lo Ordre (Logique, disposition raisonnable des parties).

2° Beauté (Ligne, élan, profil de l'œuvre).

3<^ Luxe (Abondance discipHnée).

40 Calme (TranquiUisation du tumulte).

50 Volupté (Sensualité, charme adorable de la matière, attrait).

Le souhait du romancier n'est pas de voir le Hon manger de l'herbe. Il reconnaît qu'un même Dieu a créé le loup

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