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Page:NRF 13.djvu/311

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��RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 303

tous, et qu'est-ce qui les incitait à tourner ainsi le dos, avec une obstination douce, à l'existence réelle d'où je les contem- plais, pour s'aller perdre de mirage en mirage dans les zones successives de cette vaporeuse bleuité ? Ils s'en allaient au delà de la volupté elle-même vers cette conjonction et cette dissolution qui sont à l'image de la mort. Ils partaient, oublieux, vers cette lueur éthérée et azurée qu'entrevoit sous les paupières closes, le regard dilaté par l'amour. Et cette lueur éclaire une région où il n'y a plus ni devoir, ni morale, ni chair, mais seulement le rythme universel dont le rythme de l'étreinte corporelle n'est que le faible et tremblant présage. Et pour y aller vivre, ils répudiaient notre vie. » Le rythme de l'étreinte corporelle n'est que présage dans l'Amour total, mais l'Amour lui-même n'est que présage pour cette région plus vaste du rythme universel, il n'est lui-même que l'un des couples de Watteau, le plus près, levé droit, de l'étang azuré ; les autres s'approchent, faits à son image et qui épousent son mouvement, et il existe un certain degré de musique, point étranger à l'Embarque- ment, où l'on sent à la fois et que l'amour n'est plus rien et que rien n'est plus qui ne soit l'amour.

ALBERT THIBAUDET

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