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352 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

glacier.) (Haut) Ahl pourquoi ne durent-elles pas toujours, ces minutes où la vérité, bafouée, dénaturée, battue en brèche par toute une société, redevient désirable et reprend sa place dans ce qui s'adore !

GERARD. — Ce que tu es embêtant 1

ANTON IN. — Eh bien I puisque nous en sommes venus à dire des choses qui ne sont pas trop indignes de l'heure du monde où elles sont dites, voici donc la seconde nou- velle que tout à l'heure j'avais à t'apprendre : c'est que j'ai demandé à partir au front, dans l'infanterie, en première hgne, et que je pars.

GÉRARD. — Vraiment ? Ah ! ça, c'est très bien. Tu as tout à fait raison. Et je peux bien te dire maintenant, tu t'es laissé ajourner pendant deux ans... Tu aurais pu faire quelque chose.

ANTONIN. — Ah ! eh bien 1 ça... {Très décontenancé). Tu ne me dis pas une chose agréable... Alors, tout ce temps, tu me blâmais ?

GÉRARD. — Oui, je te blâmais.

ANTONIN. — Comment ! Et toute la somme de mon travail, tout ce que j'ai fait pour compenser ? Ne te sou- viens-tu pas de ce que je t'ai dit ?

GÉRARD. — Oh ! si, je me souviens bien.

ANTONIN. — J'ai compris mon manque de me battre comme une sorte de second péché originel, de même invo- lontaire, -de même exigeant d'être réparé. Mon orgueil, comme dans les foires ces machines à mesurer la force, plus on avait frappé dessus, plus il est monté haut. J'ai senti que demain, tandis que le soldat pourrait parler de sa tâche achevée, pour moi tout resterait à faire. Avec une joie jalouse j'ai essayé le ressort d'une telle

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