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Page:NRF 13.djvu/426

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4l8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

OU SOUS des noms d'emprunt. Je suis un terrible travailleur. Savez-vous bien qu'en prison, pendant ces quatorze mois j'ai traduit quarante volumes. Toute la correspondance de Flaubert, Bouvart et Pécuchet, tout Wells, quatre volumes de Meredith, trois de Quincey, les deux vôtres enfin.

— Comment ! vous les avez déjà traduits ?

— Complètement. Ma femme les lit à présent. J'ai toujours eu une énorme puissance de travail. A seize ans, j'ai perdu mon père ; c'était un très riche industriel du Mecklembourg qui, l'année de sa mort, se ruina complètement. Ma mère et mes trois sœurs n'eurent pour vivre que l'argent que je gagnais avec mes leçons. Il faut vous dire qu'à seize ans j'avais exactement le même aspect physique qu'à présent. (Cela n'est pas beau- coup dire, car aujourd'hui, à vingt-six ans, il en paraît à peine vingt-deux.) Les parents de mes élèves ne savaient pas, ne soupçonnaient pas mon âge. Des leçons de grec, de latin, de français, d'anglais; j'ai donné jusqu'à quatre- vingts leçons par semaine. Et ajoutez que je ne savais ni latin, ni grec; latin et grec j'ai dû les apprendre tout en donnant mes leçons. Je suis, pour le latin et pour le grec, un... comment dites- vous... un autodidacte, n'est-ce pas ?

— Vous avez trois sœurs ?

— J'en avais neuf, et je les ai perdues. Toutes sont mortes de...

Il cherche et dit en allemand : Eklampseien.

— Moi, je suis le dixième enfant. Le D' X... qui est très célèbre en Allemagne prétend que si j'ai réchappé, c'est que, seul, je n'ai pas été nourri par ma mère... Cela ne vous ennuie pas que je vous parle ainsi de ma famille ? Oui, ma mère a vu mourir ses neuf filles, ou du moins...

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