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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 425

l'Odyssée de Bérard, dont M. Lefranc a mérité que ses Navigations de Pantagruel, de plan, d'intention et de résultat analogues, fussent rapprochées.

Or, M. Lefranc, depuis le commencement de sa carrière, songeait, nous dit-il, à étudier dans cet esprit l'œuvre shakespearienne ou plutôt le mystère shakespearien. Rien de plus dif&cile, le cas Shakespeare étant unique, privilégié à rebours : il est impossible en effet d'établir un ordre satis- faisant de rapports entre ce que nous savons de la vie de Shakespeare et le contenu des trente-huit pièces qui portent son nom, c'est-à-dire de la plus formidable explosion de vie idéale qui soit sortie d'une tête pensante. Dès lors pour le critique deux attitudes possibles : ou bien étendre considé- rablement par des hypothèses nos connaissances sur Shakes- peare et faire rentrer la composition de son théâtre dans le lit commode de ces hypothèses ; ou bien transférer la paternité de ce théâtre à un auteur dont la vie, les mœurs, la carrière correspondraient au caractère de l'œuvre shakespearienne. Le mystère y est tel que rien n'interdit a priori la seconde méthode. Remarquons qu'il y avait déjà dans l'antiquité une question térentienne analogue à la question shakespea- rienne. Certains faisaient de l'esclave africain Térence le prête-nom de Scipion et de Lelius, et Montaigne se déclare de cet avis pour des raisons fort analogues à celles qui ont fait attribuer le théâtre de Shakespeare à un membre de l'aristocratie anglaise, lord Verulam, lord Rutland ou lord Derby,

C'est pour défendre la cause de ce dernier que M. Lefranc a écrit son plaidoyer. On ne saurait guère en effet employer un autre mot. Très convaincu de la vérité de sa cause, M. Lefranc la soutient d'un bout à l'autre avec une ardeur verbeuse et combative d'avocat qui rappelle les argumen- tations de Victor Cousin, pèse désagréablement pendant toute la lecture de son livre et présente évidemment moins

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