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REFLEXIONS SUR LA LITTERATURE 429

au crible. (M. Lefranc se réfère constamment par de longues citations à des ouvrages français superficiels ou vieillis, aux préfaces de Montégut, à Mézières. Un livre comme celui- ci a dû souffrir d'être préparé en dehors de la salle de travail du British Muséum.)

Si par hasard la thèse de M. Lefranc était acceptée par la critique anglaise comme la plus vraisemblable, elle substi- tuerait un mystère à un autre, le mystère Derby au mystère Shakespeare. On se demanderait par quel miracle fabuleux le secret a été, jusqu'à M. Lefranc, ou si l'on veut jusqu'à Greenstedt, si bien gardé. Lord Derby a laissé publier une de ses compositions musicales, sous son nom ; M. Lefranc ne nous a encore laissé entrevoir aucune des raisons pour les- quelles il aurait esquivé avec tant de soin la paternité de son théâtre. (Il paraît nous les promettre pour un autre volume.) Ce qui m'inquiète le plus, c'est que, d'après M. Lefranc lui- même, ce secret n'aurait pas été tel que plusieurs contem- porains du comte ne l'eussent connu. Dans l'Aétion du Colin de Spenser, pris par certains critiques pour Shakespeare, il voit lord Derby lui-même, et ses preuves sont d'une vrai- semblance moyenne. Or Aétion nous est présenté par Spenser comme un poète : « Sa muse, pleine de l'invention de hautes pensées, sonne comme lui-même, héroïquement. » Spenser connaissait donc lord Derby comme l'auteur des trois ou quatre premières pièces de Shakespeare et de ses poèmes (ces vers sont probablement d'après M. Lefranc de 1594 et, dès 1591, Spenser avait fait une allusion analogue). Il s'agit là des débuts de lord Derby et de son factotum Shakespeare. Pareillement, en 161 1, la Tempête, selon M. Lefranc, ne put être composée et jouée sous le règne de Jacques I^r, ennemi acharné des sorciers, que par quelqu'un qui était capable « d'imposer cette œuvre et de briser les résistances et les critiques qu'elle devait fatalement susciter », le comte de Derby lui-même. (Rien pourtant ne nous prouve que Jac-

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