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NOTES

CLIO, dialogue de l'Histoire et de l'Ame païenne, par Charles Péguy (Editions de la Nouvelle Revue Française).

Clio parle, « ruminante en soi-même ; mâchant des paroles de ses vieilles dents hisltoriques ; marmottante; marmon- nante... » Cette Clio, son sort est de n'oublier rien ; sa fonction propre, de tout remémorer. Dès qu'on ne l'attelle plus à une tâche, dès qu'elle n'est plus tenue dans les bornes d'une histoire déterminée, on conçoit qu'elle vagabonde à travers l'histoire entière ; qu'un souvenir la distraie de sa première pensée et qu'un autre l'y ramène ; que tour à tour elle s'égare ou se retrouve au fil des souvenirs. On conçoit que Péguy, lui passant la parole, n'ait pas à changer de manière ; bien plus, ces libertés où il se complaisait, ces tpurs, détours et retours, ces digressions et ces répétitions, jamais ne furent mieux à leur place qu'ils ne le sont ici même, sous le couvert de la fiction. Clio flâne ; mais Péguy sait bien où il la mène. Nous passons à son compte, à elle, les piétinements sur place et les longueurs. Mais la pensée, mais l'émotion, surtout ce regard d'ensemble sur la vie, cette fatigue et cette tristesse courageuse, ce renoncement sans amertume, cette religieuse acceptation, — c'est bien Péguy, c'est le dernier témoignage qu'il nous ait laissé de lui-même. Et, pour tous ceux qui l'aimaient, ce livre est comme un testament.

Il vaut la peine d'en chercher l'ordre secret. Platon est un artiste, le Phèdre, une œuvre d'art ; pourtant l'unité de ce dia- logue illustre est plus facilement sentie que comprise; on ne saisit pas sans peine, sous un désordre apparent, la pro- gression cachée, les balancements et rappels de thèmes, l'entrelacement de motifs qui concourent à l'harmonie de l'efïet total. Les proportions du moins, ne cessent d'être

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