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NOTES 451

à quelques misérables dévots, va abandonner tout un peuple, et quel peuple, et tout un monde parce que ce monde, parce que ce peuple sont dans le péché de n'être point dans les sacra- mentelles formes. Où est-il dit que Dieu abandonne l'homme dans le péché ? Il le travaille au contraire. . . Ce peuple achèvera son chemin qu'il n'a point commencé. Ce siècle, ce monde, ce peuple arrivera par la route par laquelle il n'est pas parti... »

Ainsi pensait Péguy à la veille de la guerre. Il savait et ne cachait pas sur quelle route il prétendait nous mener. Lui-même ne cherchait plus sa route. Il était arrivé autant qu'homme peut l'être, autant que peut se croire arrivét un chrétien qui sait n'être pas lin saint. « Une expérience de vingt siècles — lui dit Clio — m'a montré qu'une fois que la dent de chrétienté a mordu dans un cœur, elle ne lâche jamais le morceau... Nos anciens dieux ne savaient pas mordre. Mais vous avez touché le Dieu qui mord. Nos anciens dieux ne dévoraient pas. Vous avez touché le Dieu qui dévore. » — Péguy veut que nous sentions aussi la mor- sure, à notre tour. C'est pour la faire enfoncer qu'il insiste et qu'il appuie sur les tristesses du vieillissement. Et s'il semble s'y complaire, c'est peut-être, et probablement, parce que chaque retour à la détresse surmontée renouvelle en lui r»,rdeur de sa Foi et de sa jeune Espérance. Ne cherchons pas ici les signes d'une lassitude de vivre. Il aurait bien accepté de vivre encore. Il aurait accepté d'attendre le bonheur de son fils, et le jugement de son fils sur lui-même. Il aurait accepté de continuer sa tâche, et de mener ses Cahiers jusqu'à la cinquantième série. Mais il acceptait pareillement autre chose ; il acceptait jusqu'à s'offrir : car il savait, en gardant malgré l'âge son grade d'officier de ré- serve, à quoi il s'engageait pour le jour du combat. L'en- tendez-vous qui commente la lettre de Chérubin : la vie m'est odieuse et je vais la. perdre avec joie dans la vive attaque d'un

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