NOTES 453
inimitiés, elle n'a pas dévié le cours de ses sentiments ni de ses idées. Sans rien retrancher de l'importance qu'eut à ses propres yeux sa conversion, je dis qu'il resta fidèle à lui-même, je ne le vois en rien renier les premières exigences de son esprit ni de son cœur. Péguy ne dédiait plus ses livres à la République Sociaîiste Universelle ; sa « Cité Harmonieuse », il ne l'attendait plus qu'au ciel. C'est chQse grave que de livrer la terre à l'injustice historique et d'accepter la faillite de tout ordre temporel au titre d'in- frangible loi. Grave surtout, si l'on s'incline devant les puissances du monde et si l'on tourne à leur service les émotions de respect et de résignation ; non pas si l'on con- serve intacts et si l'on répand par l'exemple le goût du franc parler, l'amour du peuple, le culte du bon travail et de la pauvreté fière, Péguy n'avait pas besoin de nous rappeler la différence qu'il établit entre « les petites gens » et « les gens du commun», Mais j'aime que dans sa dernière œuvre, qui n'est pas la moins religieuse, il dédaigne absolument de complaire à « quelques dévots ».
Ce qui" fait la singulière beauté de Clio, c'est le vieillisse- ment franchement accepté ; c'est le sourd travail d'une âme qui recueille sans en rien perdre tous les souvenirs, tous les regrets, et réchauffe l'espoir présent aux feux du passé tout entier, Nous pouvons appeler ce travail, le « vieillissement de mémoire ». Le « vieillissement d'habitude » — Péguy le savait par Bergson — est tout à fait différent. C'est un vieillissement extérieur et passif : persistance des plis contractés, accumulation des manies, complaisance invo- lontaire aux procédés d'action et d'expression qui ont une fois servi la pensée, et maintenant risquent de la trahir. La mémoire attirerait la jeunesse, par ce qu'elle contient de vie concentrée ; l'habitude la repousse, comme une dimi- nution de vie. Voilà ce qui jette une ombre sur la singulière beauté de Clio. Quand Péguy s'attriste qu'une belle œuvre
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