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Page:NRF 13.djvu/469

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NOTES 461

de Beethoven. Je suis sensible dans Jean-Christophe à la vie et au charme vrais d'Olivier ; artistiquement il ne vaut pas le héros du roman et les personnages français ne valent pas les personnages allemands. On sent que l'écrivain a besoin du recul simplificateur, rempli, comme au théâtre, par l'orchestre. C'est là, j'ai hâte de le dire, une raison de second plan. M, Rolland triomphera probablement de cette difficulté. Il avait promis autrefois une vie de Hoche, qui sera peut-être, s'il l'écrit, très belle. Et peut-être aussi la France, vue d'un recul de cinq années et des hauteurs de Saint-Cergues et de la Dole est-elle exactement au point d'optique nécessaire pour suggérer le prochain chef-d'œuvre de l'auteur de Jean-Christophe.

Puis, l'art de M. Romain Rolland est un art de totalité, ou plutôt un art d'addition indéfinie qui tient à donner beaucoup et à j eter un peu indégrossie une matière abondante. Cet art quantitatif est bien dangereux quand il n'est pas équilibré. Dans Jec^n-Christophe il était équilibré, son débordement de matière était retenu et discipliné par le mouvement inverse, celui^ de l'analyse, la conversion vers le dedans, et des caractères, un caractère surtout à démêler, à expliquer, à faire vivre, Jean Christophe ne s'est pas, comme Colas Breugnon, imposé à l'auteur avec une brusquerie autoritaire qui s'installe en pays conquis, domestique le pauvre écrivain qui n'en peut mais. Son Christophe, M. Rolland s'était donné la peine d'aller le chercher lui-même, de le prendre petit et faible, de le nourrir, de l'élever, d'en faire vraiment son œuvre, de livrer conti- nuellement une bataille contre ce qui résiste et ne veut pas se formuler. Dans Jean-Christophe il utilise sa matière, dans Colas Breugnon il se laisse absorber par elle. Il appelle quelque ^djrt Jean-Christophe son grand ours mal léché de la forêt germanique, mais ce bavard de Colas n'est même pas mal léché : il se voit qu'il n'a jamais reçu sur la peau le

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