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à le comprendre, mais à le sentir ? les seuls qu’il puisse encore faire vibrer ? Je ne puis m’empêcher de voir que nous sommes infiniment moins porte-flambeaux qu’il y a cent ans. Ce que nous croyons apporter aux peuples de nouveau et d’indispensable, peut-être l’ont-ils déjà dépassé sans en avoir eu besoin.

En tous cas, même s’il y a eu, sur notre initiative, une guerre des démocraties contre l’autocratie, ce n’a pas été la seule.

Voilà le fait qu’il faut oser regarder en face et qui, seul, peut donner la clef des événements auxquels nous assistons maintenant. Il y a eu deux guerres à la fois, qui ont été menées l’une dans l’autre jusqu’au bout. On ne les a jamais très bien distinguées ; c’est leur mutuelle implication qui a fait tout le temps l’obscurité de la situation, et l’impossibilité de deviner d’un jour à l’autre ce qui allait se passer. C’est elle, encore aujourd’hui, qui rend si étrange, si peu décisive, si peu purgative, la victoire. Car sans doute l’une des deux guerres est finie et son résultat est aussi clair que possible : c’est celui que nous avions toujours attendu, toujours passionnément cherché et voulu ; les rois sont en fuite, la démocratie triomphe. Mais l’autre guerre subsiste par-dessous et ses soubresauts ébranlent la mince croûte d’acquisitions positives dont nous nous félicitons.

Jamais victoire ne fut aussi partielle, aussi provisoire, aussi conditionnelle que la nôtre. Non pas en ce sens qu’il faille craindre le réveil des forces dont elle représente l’anéantissement, mais au contraire en ceci que nous n’avons vaincu que les forces dont l’anéantissement était comme entendu d’avance. En venir à bout n’était qu’une