LE PÈRE HUMILIÉ 5^5
Qui a connu la nuit pour de bon, il faut un autre soleil que celui-ci pour en venir à bout ?
ORIAN. — Quelle est donc cette nuit dont vous me parlez toujours ?
PENSÉE. — Ténèbres furent-elles jamais plus grandes que celles-ci qu'aucim ami jusqu'à moi ne peut tra- verser ?
Je suis une Juive comme ma mère, et elle pensait que la Révolution était venue, et que tout allait se mêler et s'égaliser et que vous l'accepteriez parmi vous, elle a tant de bonne volonté !
Mais je suis mieux instruite ;
Tout vaut mieux que le faux amour, le désir qu'on prend pour la passion, la passion qu'on prend pour une acceptation, et puis
La position qu'on reprend peu à peu de part et d'autre, et ce cœur peu à peu qui vous redevient étranger, — cet Orso que vous voudriez que j'épouse !
Moi, je suis comme la Synagogue jadis, telle qu'on la représentait à la porte des Cathédrales,
On a bandé mes yeux et tout ce que je veux prendre est brisé.
{Bas et avec ardeur). Mais vous autres qui voyez, qu'est- ce que vous faites donc de la lumière ?
Vous qui voyez du moins, vous qui savez du moins, vous qui vivez du moins,
Vous qui dites que vous vivez, qu'est-ce que vous faites de la vie ?
ORIAN. — Cette eau qui nous fait vivre, nous aussi, elle a touché votre front.
PENSÉE. — Elle n'a point touché mon cœur I
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