Page:NRF 13.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE MIRACLE 57

plupart, ils ne peuvent plus être laids, car ils n'ont plus assez de visage.

Les gens qui possèdent un nez, une bouche, des mâ- choires, des yeux, des oreilles, peuvent en faire un usage indigne, ou souffrir d'un arrangement malheureux de ces choses précieuses. Ils peuvent avoir des pensées ridicules ou déshonorantes et les laisser paraître. Mais les hommes d'ici sont terriblement déhvrés de cette servitude : leur mutilation les affranchit de la laideur humaine. Parfois, cependant, elle leur laisse l'inexpHcable et laborieuse splendeur du sourire, car, pour manifester sa pureté, il faut à l'âme un moindre appareil que pour traduire ses faiblesses.

Presque tous les hommes sont debout. Certains demeu- rent couchés parce qu'ils furent frappés non seulement à la tête, mais en outre aux jambes ou au ventre. Les autres marchent, écrivent, lisent, se groupent autour d'un jeu. Il y en a qui fument, et ils enfoncent le tuyau de leur pipe dans une cavité dont on ne peut pas toujours dire qu'elle est une bouche.

Les heureux, les miraculés, on ne les voit plus souvent dans ce pavillon ; ils ont été reprendre leur place dans la vie. Ils reviennent de temps en temps, poussés par la gratitude, ou parce qu'un point de la mystérieuse brode- rie réclame les délicates retouches du thauma- turge.

Ceux que voici ont encore tout ou presque tout à attendre de l'homme surnaturel qui sculpte dans la chair et s'applique aux besognes de Dieu.

�� �