Page:NRF 13.djvu/735

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA SYMPHONIE PASTORALE 727

se mourait. Le cheval n'était pas dételé; je fis monter l'enfant dans la voiture, après m'être muni d'une lan- terne, car je pensai ne pas pouvoir être de retour avant la nuit.

Je croyais connaître admirablement tous les entours de la commune ; mais, passé la ferme de la Saudraie, l'enfant me fit prendre une route où jusqu'alors je ne m'étais jamais aventuré. Je reconnus pourtant, à deux kilomètres de là, sur la gauche, un petit lac mystérieux où jeune homme j'avais été quelquefois patiner. Depuis quinze ans je ne l'avais plus revu, car aucun devoir pas- toral ne m'appelle de ce côté ; je n'aurais plus su dire où il était et j'avais à ce point cessé d'y penser qu'il me sembla, lorsque tout à coup, dans l'enchantement rose et doré du soir, je le reconnus, ne l'avoir d'abord vu qu'en rêve. La route suivit le cours d'eau qui s'en échappait, cou- pant l'extrémité de la forêt, puis longeant une tourbière. Certainement je n'étais jamais venu là.

Le soleil se couchait et nous marchions depuis long- temps dans l'ombre, lorsqu'enfin ma jeune guide m'in- diqua du doigt, à flanc de coteau, une chaumière qu'on eût pu croire inhabitée, sans un mince filet de fumée qui s'en échappait, bleuissant dans l'ombre, puis blondissant dans l'or du ciel. J'attachai le cheval à un pommier voi- sin, puis rejoignis l'enfant dans la pièce obscure où la vieille venait de mourir.

La gravité du paysage, le silence et la solennité de l'heure m'avaient transi. Une femme encore jeune était à genoux près du lit. L'enfant, que j'avais prise pour la petite fille de la défunte mais qui n'était que sa servante, alluma une chandelle fimieuse, puis se tint immobile

�� �