Page:NRF 13.djvu/739

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA SYMPHONIE PASTORALE 731

d'ordre qui tient à ne pas aller au delà, non plus qu'à rester en deçà du devoir. Sa chairité même est réglée com- me si l'amour était im trésor épuisable. C'est là notre seul point de conteste...

Sa première pensée, lorsqu'elle m'a vu revenir ce soir-là avec la petite, lui échappa dans ce cri :

— De quoi encore est-ce que tu as été te charger ?

Comme chaque fois qu'il doit y avoir une expHcation entre nous, j'ai commencé par faire sortir les enfants, qui se tenaient là, bouche bée, pleins d'interrogation et de surprise. Ah ! combien cet accueil était loin de celui que j 'eusse pu souhaiter. Seule ma chère petite Charlotte a commencé de danser et de battre des mains quand elle a compris que quelque chose de nouveau, quelque chose de vivant allait sortir de la voiture. Mais les autres, qui sont déjà stylés par la mère, ont vite fait de la refroidir et de la forcer à prendre le pas.

Il y eut un moment de grande confusion. Et comme ni ma femme, ni les enfants ne savaient encore qu'ils eussent affaire à une aveugle, ils ne s'expHquaient pas l'attention extrême que je prenais pour guider ses pas. Je fus moi-même tout décontenancé par les bizarres gémissements que commença de pousser la pauvre infir- me sitôt que ma main abandonna la sienne, que j'avais tenue durant tout le trajet. Ses cris n'avaient rien d'hu- main ; on eût dit les jappements plaintifs d'un petit chien. Arrachée pour la première fois au cercle étroit de sen- sations coutumières qui formaient tout son univers, ses genoux fléchissaient sous elle ; mais lorsque j'avançai vers elle une chaise, elle se laissa crouler à terre, comme quelqu'un qui ne saurait pas s'asseoir ; alors je la menai

�� �