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LA SYMPHONIE PASTORALE 739

j'avais tort de désespérer ; mais que je ne m'y prenais pas bien.

— Tu veux commencer de construire, me dit-il, avant de t'être assuré d'un terrain solide. Songe que tout est chaos dans cette âme et que même les premiers linéa- ments n'en sont pas encore arrêtés. Il s'agit, pour com- mencer, de lier en faisceau quelques sensations tactiles et gustatives et d'y attacher, à la manière d'une étiquette, un son, un mot, que tu lui rediras, à satiété, puis tâcheras d'obtenir qu'elle redise.

Surtout ne cherche pas d'aller trop vite ; occupe-toi d'elle à des heures régulières, et jamais très longtemps de suite...

— Au reste cette méthode, ajouta- t-il, après me l'avoir minutieusement exposée, n'a rien de bien sorcier. Je ne l'invente point et d'autres l'ont apphquée déjà. Ne t'en souviens-tu pas ? du temps que nous faisions en- semble notre philosophie, nos professeurs, à propos de Condillac et de sa statue animée, nous entretenaient déjà d'un cas analogue à celui-ci... A moins, fit-il en se repre- nant, que je n'aie lu cela plus tard, dans une revue de psychologie... N'importe ; cela m'a frappé et je me sou- viens même du nom de cette pauvre enfant, encore plus déshéritée que Gertrude, car elle était aveugle et sourde- muette, qu'un docteur de je ne sais plus quel comté d'An- gleterre recueillit, vers le miUeu du siècle dernier. Elle avait nom Laura Bridgeman. Ce docteur avait tenu journal, comme tu devrais faire, des progrès de l'enfant, ou du moins, pour commencer, de ses efforts à lui pour l'instruire. Durant des jours et des semaines, il s'obstina à lui faire toucher et palper alternativement deux petits

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