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LA SYMPHONIE PASTORALE 741

point que les sens, comme il semblait l’admettre, ne ser- vissent en fin de compte qu’à nous désoler.

— Ce n’est point ainsi que je l’entends, protest a- t-il, je veux dire simplement que l’âme de l’homme imagine plus facilement et plus volontiers la beauté, l’aisance et l’harmonie que le désordre et le péché qui partout ternissent, avihssent, tachent et déchirent ce monde et sur quoi nous renseignent et tout à la fois nous aident à contribuer nos cinq sens. De sorte que, plus volontiers je ferais suivre le « Fortunatos nimium » de Virgile, de « si sua mala nescient », que du « si sua bona norint » qu’on nous enseigne : combien heureux les hommes, s’ils pou- vaient ignorer le mal.

Puis, il me parla d’un conte de Dickens, qu’il croit avoir été directement inspiré par l’exemple de Laura Bridgeman et qu’il promit de m’envoyer aussitôt. Et quatre jours après je reçus en effet Le Grillon du Foyer, que je lus avec un vif plaisir. C’est l’histoire un peu longue, mais pathétique par instants, d’une jeune aveugle que son père, pauvre fabricant de jouets, entretient dans l’illusion du confort, de la richesse et du bonheur ; men- songe que l’art de Dickens s’évertue à faire passer pour pieux, mais dont, Dieu merci ! je n’aurai pas à user avec Gertrude.

Dès le lendemain du jour où Martins était venu me voir, je commençai de mettre en pratique sa méthode et m’y appHquai de mon mieux. Je regrette à présent de n’avoir point pris note, ainsi qu’il me le conseillait, des premiers pas de Gertrude sur cette route crépuscu- laire, où moi-même je ne la guidais d’abord qu’en tâton-

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