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NOTES 793

tout dire — le malheureux, affreux et magnifique Bloy, a tracé un jour son portrait : « Il a jusqu'à l'outrance, écrivait- il, le type de ces mangeurs de chandelles venus des plateaux tartares, qui entreprirent au xii^ siècle d'avaler tous les luminaires de l'Occident... Puis l'étrange douceur de cette face patiente l'a transfigurée pour moi et je me suis cru en présence d'une tranquille image byzantine des belles époques... Figure isocèle, pénitente et contemplative... » Et par surcroît, ajoute Bloy, «intelligent». Je n'ai pas, dans ses livres, retrouvé le Tartare. Mais peut-être, à dater du Livre de la Route, le premier de lui que nous connaissions, avait-il déjà pris l'empreinte du poète sacré d'Assise, dont le primi- tivisme latin, quedis-je français (François n'est-il pas né d'une mère provençale et ne parlait-il pas notre langue par goût ?) est aussi loin de la Caspienne que de Byzance. En ce cas, il y était donc prédestiné. La limite de r« asiatisme » en Joergensen, c'est Henri Heine — le Heine voyageur, celui que Paris poliça. Par le cœur peut-être sauvage, mais par l'esprit, méditerranéen.

Le Livre de la Route est le charmant portique du monu- ment qu'il éleva au Saint d'Assise. Il descend vers l' Italie, comme Goethe, et croit peut-être n'y trouver que les Dieux. Il regarde beaucoup autour de lui, tout le captive ; il a de l'humour, il sourit : il est ivre de poésie ; ici rêveur, là impres- sionniste (on songe aux Reisebilder), il sait conter et il sait peindre, avec des traits un peu tremblés, déjà très purs; il parle volontiers de soi ; mais ne s'agit-il pas d'évoquer les étapes de son chemin pittoresque vers le salut ? Il est comme nous tous et il aime trop son histoire ; il mêle le dilettantisme à la plus profonde sincérité ; on remarquera dans ces pages l'admirable récit de la rencontre légendaire de Don Juan avec la Mère de Dieu. — Dès les Pèlerinages Franciscains, l'auteur se perd au paysage ; le paysage est habité par plus pur et plus grand que lui. Pourtant, il peint encore pour

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