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LA SYMPHONIE PASTORALE 9I9

d'avoir avec Jacques. De tempérament un peu sec, son cœur ne fournit pas à sa pensée aliment suffisant ; il devient traditionaliste et dogmatique. Il me reproche de choisir dans la doctrine chrétienne « ce qui me plait ». Mais je ne choisis pas telle ou telle parole du Christ. Simplement, entre le Christ et saint Paul, je choisis le Christ. Par crainte d'avoir à les opposer, lui se refuse à dissocier l'un de l'autre, se refuse à sentir de l'un à l'autre une différence d'inspiration, et proteste si je lui dis qu'ici j'écoute un homme tandis que là j'entends Dieu. Plus il raisonne, plus il me persuade de ceci : qu'il n'est point sensible à l'accent uniquement divin de la moindre parole du Christ.

Je cherche à travers l'Evangile, je cherche en vain commandement, menace, défense... Tout cela n'est que de saint Paul. Et c'est précisément de ne le trouver point dans les paroles du Christ, qui gêne Jacques. Les âmes semblables à la sienne se croient perdues, dès qu'elles ne sentent plus auprès d'elles tuteurs, rampes et garde- fous. De plus elles tolèrent mal chez autrui une liberté qu'elles résignent, et souhaitent d'obtenir par contrainte tout ce qu'on est prêt à leur accorder par amour.

— Mais, mon père, me dit-il, moi aussi je souhaite le bonheur des âmes.

— Non, mon ami ; tu souhaites leur soumission.

— C'est dans la soumission qu'est le bonheur.

Je lui laisse le dernier mot parce qu'il me déplaît d'er- goter ; mais je sais bien que l'on compromet le bonheur en cherchant à l'obtenir par ce qui doit au contraire n'être que l'effet du bonheur — et que s'il est vrai de penser que l'âme aimante se réjouit de sa soumission

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