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LA SYMPHONIE PASTORALE 937

à peu près calme, Gertrude est enfin sortie de sa torpeur. Elle m'a souri lorsque je suis entré dans la chambre et m'a fait signe de venir m'asseoir à son chevet. Je n'osais pas l'interroger, et sans doute craignait-elle mes ques- tions, car elle me dit tout aussitôt et comme pour pré- venir toute effusion :

— Comment donc appelez-vous ces fleurs bleues, que j'ai voulu cueillir sur la rivière ? Plus habile que moi, voulez-vous m'en faire un bouquet ? Je l'aurais là, près de mon lit...

L'artificiel enjouement de sa voix me faisait mal ; et sans doute le comprit-elle, car elle ajouta plus gravement :

— Je ne puis vous parler ce matin ; je suis trop lasse. Allez cueillir ces fleurs pour moi, voulez- vous ? Vous reviendrez tantôt.

Et comme une heure après je rapportais pour elle un bouquet de myosotis. Mademoiselle Louise me dit que Gertrude reposait de nouveau et ne pourrait me recevoir avant le soir.

Ce soir je l'ai revue. Des coussins entassés sur son Ht la soutenaient et la maintenaient presque assise. Ses cheveux à présent relevés au-dessus de son front étaient mêlés aux myosotis que j'avais rapportés pour elle.

Elle avait certainement de la fièvre et paraissait très oppressée. Elle garda dans sa main brûlante la main que je lui tendis ; je restais debout près d'elle :

— Il faut que je vous fasse un aveu, pasteur ; car ce soir j'ai peur de mourir, dit-elle. Je vous ai menti ce matin. Je ne cherchais pas à cueillir des fleurs... Me pardonnerez- vous si je vous dis que j'ai voulu me tuer ?

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