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Page:NRF 13.djvu/947

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— Quand vous m'avez rendu la vue, mes yeux se sont ouverts sur un monde plus beau que je n'avais rêvé qu'il pût être ; oui vraiment, je n'imaginais pas le jour si clair, l'air si brillant, le ciel si vaste. Mais non plus je n'imaginais pas si soucieux le front des hommes ; et quand je suis entrée chez vous, savez-vous ce qui m'est apparu tout d'abord ?… Ah ! il faut pourtant bien que je vous le dise : ce que j'ai vu d'abord, c'est notre faute, notre péché. Non, ne protestez pas. Souvenez-vous des paroles du Christ : « Si vous étiez aveugles, vous n'auriez point de péché ». Mais à présent, j'y vois… Relevez- vous, pasteur. Asseyez-vous là, près de moi. Ecoutez-moi sans m'interrompre. Dans le temps que j'ai passé à la clinique, j'ai lu, ou plutôt je me suis fait lire, des passages de la Bible que je ne connaissais pas encore, que vous ne m'aviez jamais lus. Je me souviens d'un verset de saint Paul, que je me suis répété tout un jour : « Pour moi, étant autrefois sans loi, je vivais ; mais quand le commandement vint, le péché reprit vie, et moi je mourus. »

Elle parlait dans un état d'exaltation extrême, à voix très haute et cria presque ces derniers mots, de sorte que je fus gêné à l'idée qu'on la pourrait entendre du dehors ; puis elle referma les yeux et répéta, comme pour elle-même, ces derniers mots dans un murmure :

— « Le péché reprit vie — et moi je mourus. »

Je frissonnai, le cœur glacé d'une sorte de terreur. Je voulus détourner sa pensée.

— Qui t'a lu ces versets ? demandai-je.

— C'est Jacques, dit-elle en rouvrant les yeux et en me regardant fixement. Vous saviez qu'il s'est converti ?