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AURORE OU LA SAUVAGE 987

coles anglais ?) ne semblent peser. Sur la rivière les gra- mophones cessent de graillonner. Les daims paissent les premières brumes.

Aurore avait-elle aussi promis d'être ici à 7 heures. Mais elle se guide sans doute sur le soleil et arguera de ce nuage comme ses sœurs d'un embarras de voitures pour expliquer son retard.

Soudain les branches craquent sous un poids à peine appuyé, comme celui d'une biche. Je me retourne : voici Aurore. Elle court vers moi et sa tunique colle à son corps comme celle des Victoires. Elle tient à la main un sac de voyage. Elle court sur la pointe des pieds, à foulées égales, bien balancées sous l'impulsion des hanches. A trente pas de moi elle ralentit. Son visage qui n'était qu'un disque clair se précise, divisé en deux parties horizontales par les pommettes saillantes, relevées par un nez court, mobile comme celui d'un chien pohcier. Son élan se modère graduellement et quand elle arrive à moi, elle marche. Elle pose son sac à terre, puis les deux mains sur mon bras.

— Vous avez bien fait de venir.

— Depuis quand et es- vous ici, Aurore ?

— Depuis hier soir. J'ai couché à la belle étoile. A la sortie du théâtre, Gina m'a conduite jusqu'ici et m'a laissée. Je suis montée jusqu'au Chêne Creux; étendue dans l'herbe, j'ai mangé des pommes ; je voyais Londres entre les branches. Ce matin, je suis descendue au village, d'où je vous ai téléphoné.

— Ce costume, Aurore, vous allez vous faire arrêter.

— Le garde forestier est un ami. Je pense que vous allez vous dévêtir aussi ?

Je m'y refuse. Elle me prend par la main, m'emmène

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