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136 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

paix a déjà suffi à nous montrer combien de telles idées pou- vaient exercer de ravage sans profit. On a parlé de la vague de paresse. Que dire de la vague d'erreur volontaire, de la déformation consciente de la vérité, qui furent pendant la guerre une arme efficace et nécessaire (l'intelligence a res- semblé souvent à la sœur Simplice des Misérables), mais qui aujourd'hui, par tant de fureurS' en sens contraires, empê- chent d'aboutir toutes les meilleures démarches de pensée loyale ? Et le mal n'est qu'en partie dans le mensonge. Il est pour une autre partie dans la dure obligation, à laquelle nous ne nous soumettons qu'avec répugnance, d'appeler mensonge une attitude de pensée inspirée par le patriotisme le plus dés- intéressé et le plus pur, par une vérité de chair et d'os. Ce mensonge nous apparaît de l'intérieur comme une obligation, mais quand nous avons dépassé les frontières, et que nous le voyons du dehors, il nous apparaît, comme un grand danger. Là, une question s'impose à nous avant toutes les autres. Quelle place la France tenait-elle dans l'Ancien et le Nouveau Monde le 11 novembre 1918 ? Quelle place y tient-elle un an après ? Quel poids et quelle lumière ce nom a-t-il pris sur les lèvres et dans le cœur des hommes, — a-t-il pris pour ensuite les alléger et les perdre, les réduire a cette plume sur l'eau et à cette lumière des vents battue, qu'il n'est point trop tard pour sauver, mais que nous ne sauverons que par un examen de conscience fait moins sur la Pnyx ou l'Agora, qu'à Eleusis ou à Delphes.

Cette réquisition absolue de l'intelUgence et du cœur par la cité, M. Maurras la met sous le patronage des grands souvenirs helléniques, de Marathon et de Salamine. Mais dès que les attaques de l'Asie se furent brisées devant la ville de bois, comme la pensée resta libre sous les ombrages sacrés de l'in- telligence et de la beauté ! Eschyle composant une inscription pour son tombeau n'y voulut rappeler que ses services de soldat dans la grande guerre. Cela n'empêche pas que, les Athéniens une fois rentrés dans leur ville fumante, il n'ait porté sur le théâtre les grands drames de la pensée humaine et de la conscience morale et que les Perses, avec leur couple

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