Page:NRF 14.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

202 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tains n'étaient plus bons que pour les dames, les hommes de l'équipage les emportaient.

Le bateau n'avait pas encore tourné le cap, et nous commençâmes à vomir le sang : il nous arrivait brusque- ment à la bouche, avec le goût et la forme d'une langue de chien. Nous mangions alors un de nos pions, en choisissant les plus propres. Cela compliquait le jeu.

�� ��Les mineurs que je distinguais, bien avant le bateau, dans le papier bleu des fenêtres, étaient sans doute les mêmes que ceux d'un cinéma, place Clichy, où des films bleus montraient les travaux et les explosions des mines, avec l'amour d'une galibotte pour son ingénieur. Une fois je découvris une femme nue, et qui levait les bras : en la regardant avec soin, je vis qu'elle était encore un mineur, qui tapait à coups de pioche dans le plafond de son boyau. Il n'était pas nu plus bas que le ventre.

Ces mineurs ne remuaient pas, mais semblaient dégager une grande force.

Les poutres du plafond me rappelaient d'autres poutres, lorsqu'enfant je dormais dans un grenier à avoine, et que les nuits étaient très courtes. Des animaux, que je distin- guais mal, s'y montraient ; aussi un moine et de longues files de voitures. Ces voitures penchaient, comme si leur roue gauche avait été légèrement plus faible que la droite. Il passa encore trois personnes que je reconnus, et Simone.

Les hommes et les femmes que je voyais sur la tapis- serie, en face de moi, étaient fanés et vieillots. En outre ils s'obstinaient à porter sur la tête des couronnes ou des

�� �