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236 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Bruges et à celui d'un voyage à Anvers ; Tune représen- tait le quai du Rosaire : un petit pavillon ressemblant à un gros prisme construit en briques rouges était isolé à la pointe du faîte d'un mur qui clôturait les eaux d'un canal sur lequel, immobiles, trois cygnes blancs rêvaient ; le pavillon avait ramené sur lui seul toute la solitude de ce lieu, par ses deux fenêtres closes de leurs volets verts, par ses lézardes voilées de sarments de lierre, par son ombre sur l'eau du canal ; ce coin de Bruges se profilait sur un ciel bleu laiteux ; l'autre rectangle de papier était occupé par un énorme paquebot marron à trois cheminées, tout fumant de la vapeur des treuils et pressé par une flotille de chalands.

Le nez à la vitre de cette petite salle d'attente, je me trouvais en Europe ; même en détachant mes yeux de cet intérieur exigu, je n'étais dérouté par nul paysage exoti- que : à ma droite et à ma gauche un dépôt de charbon, deux collines noires, était d'une précision bien européenne.

En virant sur mes talons d'un petit mouvement brîisquc où j'avais mis un instant de mon impatience du départ, j'entrais tout d'un coup dans une serre chaude, remplie de plantes vertes équatoriales : durant que mon corps totirnait dans le vide, une ombre verdâtre et vitreuse, molle et légèrement pesante d'humidité tiède, tombait sur mon visage et j'eus ainsi l'impression, ma volte-face faite, de me trouver au seuil ouvert et sous le plafond en vitres d'une serre chaude tout encombrée d'arbres et de plantes exotiques ; car brusquement, en un seul bloc, l'orée de la forêt proche et immobile était devant mes yeUx. L'ombre de tous ces arbres, de toutes ces hautes herbes, larges et rigides comme des lames de sabres, faisait peser sur le

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