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Page:NRF 14.djvu/248

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242 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

demi-sourire qu'il avait en disant cela, ce demi-sourire qui lui tendait légèrement les deux lèvres et lui dilatait les ailes du nez 1

J'ai donc vu vivre durant quinze jours Martel, l'agent à Matadi des " Chargeurs Réunis ". Lorsque, enfin, j'ai pu m'embarquer, j'emportais de lui le souvenir d'un homme qui vivait la vie à la manière de quelqu'un qui mange un œuf à la coque. A chaque événement, au moindre incident de sa vie, il était un homme qui trempe une mouillette dans un œuf à la coque.

Et puis il ne cherchait que de petites joies.

Or, en ce temps-là. Martel était maigre, anguleux, au point qu'il écorchait la vue... et tout l'amusait...

« Aia !.. Aia !.. Maudélé... Maudélé !.. Aia !.. "

J'étais absorbé, perdu tout au fond de mes souvenirs ; les cris me ramenèrent brusquement à la réalité des choses ; et je sursautai comme si une main avait été posée violemment sur mon épaule. Le train s'était ébranlé ; je l'avais bien senti à la légère trépidation de la banquette de bois contre laquelle vibraient mes fesses, mais ne m'étais pas aperçu que nous étions entrés dans la brousse.

Et à ces cris, vivement je regardai. Mon wagon roulait lentement sur le passage à niveau de Matadi ; la barrière de fonte peinte en gris bleu avait été tirée et quatre jeunes " femmes Gaboni ", de celles qui, la nuit venue, attirent, avec les fredonnements de leurs guitares, les blancs dans les maisons de bois exiguës et bâties sur pilotis où elles vivent, étaient là.

La locomotive ayant accéléré sa marche peu de temps avant le passage à niveau, je ne pus voir les quatre " femmes Gaboni " que sur un bref coup d'œil, mais

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