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SAMUEL BUTLER I9

fut Erewhon. Quand il l'eut presque achevé, il demanda à une amie, Miss Elizabeth Mary Ann Savage, de vouloir bien lire le manuscrit : " Je ne sais pas si je dois le publier, lui écrivit-il, et vous pouvez m'empêcher de commettre une grosse bévue... Je désirerais beaucoup avoir votre avis... " Miss Savage consentit, et après avoir lu le manus- crit, elle dit à Butler : " Je ne peux pas m'empêcher de me trouver bien sotte : vous connaître depuis si longtemps, et n'avoir pas deviné qui vous étiez. "

Voyons qui était cette Miss Savage à laquelle Butler soumettait ses ouvrages avant de les montrer même à ses meilleurs amis. Dans une de ses lettres à Butler elle s'ap- pelle modestement sa " servante de Molière ". En réalité, elle eut sur lui une influence considérable, et c'est proba- blement à elle seule que nous sommes redevables du fait qu'il écrivit Ainsi va toute chair. C'était la fille d'un architecte de valeur, et Butler l'avait connue à l'atelier Heatherley. Tour à tour gouvernante, secrétaire de rédac- tion d'un journal féminin, secrétaire d'un club de dames, c'était surtout, comme Butler lui-même, une bourgeoise qui s'était alFranchie de son milieu. A partir de 1871 jusqu'à sa mort (1885) elle fut en rapports constants avec Butler, et lut tous ses manuscrits. Son influence sur lui s'exerça dans trois directions. Elle l'aida à cultiver en lui le sens du comique. La pensée de Butler planait, allait toujours aux idées générales. Miss Savage attira son attention sur les petits travers des gens, sur leur hypocrisie, sur toutes les manifestations individuelles de sottise et d'insincérité, chez les dévots, chez les gens du monde, et dans les livres. Or, l'humour de Butler n'avait besoin que d'un peu d'encouragement pour

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