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L ISOLEMENT 25 I

extrémités d'un arc alors que la locomotive se trouvait à l'autre — il m'était facile de voir du coin où j'étais assis le mécanicien et le chauffeur noirs en bourgeron s'agiter sur la voie, ou bien, allongés à plat ventre, fixer la loco- motive par en dessous. A ces moments-ci, les deux hommes la fixaient longuement : l'index de l'un d'eux me portait aux yeux la présence à leurs bouches des paroles dont je n'entendais pas les sons ; et brusquement leurs marteaux alternaient bruyamment sur une plaque d'acier. Lorsqu'ils cessaient de frapper, le silence brusque dans l'oreille était net sur la chute du dernier coup de marteau. Enfin, après trois heures d'immobilité, après un léger choc à mes reins de la cloison contre laquelle j'étais adossé, je sentis sous mes fesses les premières trépidations des roues de mon wagon tout au long des rails. Nous ne nous sommes pas arrêtés à Palaballa, mais le train roulait lentement 1 J'ai d'abord aperçu au passage un hangar ouvert sur la voie ; une longue banquette de bois rouge luisait dans la forte pénombre de cet abri vide ; ce fut un éclat bref ; ensuite les maisons du village alignées comme des soldats à la parade. Toutes les demeures étaient vides comme le hangar ; à chaque seuil, devant l'ombre du logis de branches et de feuilles, une colonne de fumée sortait toute droite et massive d'un foyer creusé dans le sol : un feu de tourbe y brûlait ; de courtes flammes bleues léchaient les mottes ; à l'écart des maisons, sous un toit de grosse paille jaune soutenu par des piliers de bois, les hommes du villages étaient groupés, et muets, assis ou allongés sur le sol, fumaient une pipe qui passait de bouche en bouche. Ils somnolaient au chant des femmes qui, à quelque distance d'eux, pilaient du grain. Toutes

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