RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 273
d'Eliot, en eût tiré avec une certaine précision et un certain détail ridée de cette opposition établie par M. Bergson entre Tévolutionnisme mécanique et la création vitale. Les choses ne se passent-elles pas dans VEmlution Créatrice selon le même rythme que dans Adam Bede et le Moulin ? — Justement, c*est que V Evolution Créatrice est un roman, un beau roman. — C'est surtout qu'un roman d'Eliot est profondément une évolution créatrice. Mettez qu'entre l'artiste qui fait de son œuvre le théâtre de cette évolution et le philosophe qui enregistre cette évolution par la pensée il y a la différence même de l'instinct et de l'intelligence, lorsqu'ils s'appliquent au même objet : les deux registres fournissent un point de vue analogue sur le mécanisme spencérien. Et un beau génie des balancements et des complémentaires, à une heure où la philosophie n'est pas mûre encore pour la critique de l'évolutionnisme qui conquiert le monde anglo-saxon, développe aux côtés de Spencer, qui est certes bien loin de flairer l'ennemi, le roman de la durée vivante.
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��Cette durée, il faut d'abord qu'elle existe, et, en laissant de côté les formes très différentes qu'elle revêt en poésie, en musi- que, en histoire, il est bien certain qu'elle ne peut exister que dans le roman et que de nature elle est entièrement opposée à celle du théâtre. Le théâtre " n'a pas le temps " et le roman " a le temps ". Je n'insiste pas sur ce lieu commun. Mais le roman anglais, avec ses longues suites copieuses de trois, cinq^ ou dix volumes (réservés chez nous aux romans populaires, 'Juif Errant, Misérables, Rocambolé), sait se donner le temps et s'établir en plein confort de durée. (On sait que Jean- Christophe est plus septentrional que français.) Le roman anglais a le temps comme l'Angleterre a l'espace, et le lecteur, comme le commerçant de là-bas, sait faire crédit. Ainsi le
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